SEN

La main légère passe sur le dossier du fauteuil, savourant le touché du velours noir sous la pulpe des doigts en un mouvement machinal. Un sourire se dessine sur le visage du blond, qui observe autour de lui son appartement fin prêt.
Il porte une nouvelle fois un verre de rhum à ses lèvres étirées, laissant couler le breuvage dans sa gorge d’un mouvement désabusé. Le soleil se couche petit à petit sur la ville qui s’étend face à lui. Surplombant the Old Smoke du haut des quelques seize étages de son immeuble, le blond observe la ville à travers son immense fenêtre. La lumière tamisée du couchant éclaire son appartement d’une lueur chaleureuse, laissant apparaitre un intérieur propre, rangé, prêt à accueillir ses invités. Terminant son verre d’une ultime rasade, il observe son elfe de maison rassembler de la verrerie sur un plateau d’argent.

« Dis-moi Dildokey, quel service comptes-tu utiliser ? »

Le regard fixé sur sa main, s’approchant à nouveau de la bouteille de rhum posée non loin de lui, il n’avait pas daigné lever les yeux vers son serviteur dont il avait perçu la tension monter d’un seul coup. Il rit intérieurement en entendant la créature balbutier.

« Heu, je … Dildokey allait utiliser le service en cristal maître. Le maître souhaite-t’il que Dildokey utilise un autre service ? »
« Qu’ai-je dis sur le service en cristal, Dildokey ? »

Il prenait un malin plaisir à observer la petite chose face à lui se triturer les méninges, ses grands yeux passant de l’intense réflexion à la terreur palpable d’une sentence imminente.

« Qu-qu-qu’il n-n-e fallait le sortir qu-qu-qu’en cas de d-d-d-iner ass-ss-ssis ? »

Aïe. Et la lumière fut.
Posant volontairement bruyamment la bouteille de rhum sur le guéridon d’ébène à ses côtés, Senán se décida enfin à planter son regard de jade dans les yeux globuleux de son elfe. Face à lui, le plateau tenu à bout de bras, tremblant comme une feuille, il attendait la décision de son maître. Mais le blond n’était pas d’humeur. Dans un geste de bonté qui n’était pas de lui, il s’avança vers Dildokey, des mains duquel il retira le plateau.

« Ça ira pour cette fois. Va. Je n’ai plus besoin de toi pour l’instant. »

Posant le plateau sur le bar, il lança un sort de protection sur les verres en cristal. Même s’il n’était pas forcément attaché à sa vaisselle, Sen préférait toujours éviter la casse. Non pas qu’il ne faisait pas confiance à ses convives, simple précaution d’usage.
Un coup d’oeil sur son poignet lui indiqua que la soirée n’allait pas tarder à commencer. Jetant un dernier regard sur son appartement, un long soupir de satisfaction vint accompagner son avachissement nonchalant dans l’un de ses fauteuils. Ça allait être une bonne soirée.

Plusieurs bouteilles savamment rassemblées au centre de sa table basse, invitation silencieuse à une consommation sans retenue de breuvage alcoolisé. Il y a bien longtemps que la fête ne s’est pas invitée dans la vie du Croupton. Par manque de temps, par manque d’occasion. C’est d’ailleurs pareille réflexion qui a sournoisement introduit l’idée dans son esprit et dans celui de Cahir d’organiser cette petite sauterie. Qui viendra ? Senán n’en a aucune idée précise et cela ne le dérange aucunement. Il fait confiance à son meilleur ami pour ramener avec lui de la charmante compagnie.
Son humeur comme baromètre de l’amusement, Sen sait que cette soirée va rester dans les anales. Sa raison, déjà plus ou moins absente dans la vie du blond, s’envole pour la soirée au même moment où son deuxième verre de rhum se termine d’un levé de coude rapide. Claquement de langue satisfait sur son palais, le jeune homme se lève, réajustant sa veste de costume sur ses épaules. La musique légère meuble l’ambiance encore sage, et du mouvement devant sa porte lui indique soudain que les premiers invités sont arrivés.
Un dernier regard confiant dans le miroir qui lui fait face, Senán habille son visage d’un sourire séduisant, embrasse sa chevalière à son auriculaire et ouvre la porte de sa demeure, antre de débauche.

CAHIR


L’absolution par l’ablution se heurte à l’impatiente impolitesse de phalanges dérangeant la porte d’une clenche qui s’abaisse, de sorte à permettre l’intrusion de quelques enjambées indolentes déstructurant une mosaïque victorienne en rhombes. Un rigoureux regard ricoche sur la surface réfléchissante surplombant la vasque, renvoyant une baignoire bien souvent occupée. Y repose, trop sereine sirène, une livide nixe au fond du bassin en fonte émaillée, immergée jusqu’à la tête d’eau et vraisemblablement de pensées, que l’appréhension fraternelle redoute voir s’épandre un jour à en recouvrir les rebords en même nappe mélancolique que les ondulations de brou, asphyxiante nymphaie. Si le dépouillement physique ne suscite qu’indifférence coutumière, le désemparèrent, traduit en morbide macération, taraude le tracas. A son approche, l’étendue aqueuse lisse se trouble de lames d’ondes et de lumière cireuse dansotant de nouvelles rondeurs à la frimousse émaciée, teint plombé d’une sérénité majestueuse mais terrible. D’interminables secondes coulent en bruine d'une tuyauterie demandant depuis longtemps à être revue, avant que l’immobile ne crève la surface et la crainte d’un incertain engloutissement. « Je ne vais pas encore te laisser à tes tentatives métamorphiques de te friper afin de ressembler à un elfe ou à notre aïeule Bronagh », prévient la préoccupation sous couvert de plaisanterie et délaisse la trempée vers un retour au rebord du lave-mains où se côtoient, sans grand ordre, rectangle savonneux, pipe d’opium de l’oncle alangui à ses vapeurs bleutées traînant entre produits éparses et dernière acquisition de Grasse, dont il s’enduit les poignets, encerclés de boutons de manchette, d’un enveloppant sillage de cannelle et d’atypique absolu de rose sur un fond brut de cuir. « File donc enfiler un vêtement de valeur, tu m’accompagnes », l’enjoint l’aîné, exigence de l’intention plus louable que l’intonation. Quittant carrelage et momentanément cadette pour la retrouver par la suite apprêtée dans les quartiers communs, lavandière s’endeuillant dans son suaire de suie, le crépuscule se confond et se perd dans une tristesse ne cessant de se creuser. A même le ventre et le visage de la seconde-née. « Allons nous changer les idées, avant que l’obscurité ne te jalouse de trop et te dérobe à ma compagnie… », définitive disparition, de laquelle se prémunit le compliment, une menotte venant emporter plus gardienne que despote les doigts délicats, lui préférant une cessation toute relative, « 15 Sloane Street, Knightsbridge Court », paroles et particules de cheminette les riffaudant dans un enfer de Véronèse et de prasin. Arrêt de convenance dans cet appartement en attente d’un emménagement qu’envisagé en songes, excluant de son insistant silence toute vie et visite durant la traversée, l’entraînant déjà à l’extérieur sans plus d’explications de ne pouvoir les fournir sans probablement s’effondrer. Sous ses tisons, la ville n’est qu’une autre nuit voilée, traînant dans le cendrier de la fumée et des illusions, les cheminées en cigares. En une inspiration, l'été se dissout dans sa bouche, autant que leur progression s’accélère du transport d’une apparition. La garçonnière du nanti se substitue à la façade à pignons en briques, ascenseur social vers le toit du monde, vertiges de l’Olympe, dont l’hybris dévoreur de destin leur a valu le châtiment de la chute, au moins d’autant d’étages que la montée. Le revers de main, se voulant nonchalant, s’apprête à signaler l’arrivée mais se fait devancer par l’ouverture du repaire de penchants comme travers s’alignant aux siens. Dès l’entrebâillement, l’exclamation s’échappe : « Mon meilleur ! Mon ami ! », l’accueillant autant qu’il est réceptionné, de ses bras étendus puis encerclés en franche accolade maintenue, quelques tapes d’enthousiasme apposent leur appréciation entre les omoplates. « Tu sais toujours autant recevoir. Garde-toi de devenir la parfaite maîtresse de maison, sous peine de me voir subitement emménager », avec un coup de coude de connivence asséné contre la zone costale, la folâtrerie prend ses aises à l’image de celui la formulant. Non sans s’assurer, revenant sur ses pas, paume retrouvant sa semblable, l’empêchement d’un éventuel départ précipité. « Par quoi commençons-nous ? », papillonne le ténor, forme de la formalité, sous un nœud d’albâtre à son col club de chemise complétant un complet charbon, autant que l’œil observateur, jetant vue et dévolu sur un cognac hors d’âge, « Ah ! Les rafraîchissements ! »

AMOS

Les yeux dans les yeux, d’une paupière qui jamais ne cille, Cahir lui avait tenu ces propos : « Et ramène donc une jolie fille afin de te changer les idées. » C’est ainsi que mû par une irrépressible envie de contrarier son monde (comme à l'accoutumée), Amos avait décidé de répondre par l’invitation à cette soirée qui s’annonçait indécente par la suivante : il décida d’inviter sa propre soeur. Shibahn, qui pourtant ne portait dans son coeur ni les agissements de Senán ni les conquêtes de Cahir, ne saurait réfuter sa demande sous l’effusion de belles palabres et fastueux mensonges.

Ainsi le jeune homme transplane-t-il au manoir familial en cette chaude soirée d’été, besace en cuir de serpent d’eau sur l’épaule tenue d’une main trop ferme pour suggérer un maigre butin. Il s’avance à pas leste, traverse le vestibule empli de lugubres souvenirs à grandes enjambées, et porté par une énergie folle ouvre la porte de la chambrée de la jeune soeur d’une main aussi déterminée qu’irrévérencieuse. Interférer de la sorte dans l’intimité de Shibahn ne semble ni l’émouvoir ni l’offusquer, et c’est ainsi qu’Amos prend ses aises de son air décidé. « Ah ma chère et tendre soeur, quelle surprise que de te voir ici. » Ment-il avec aplomb comme il prend place sur une chaise et toise la concernée. « T’es-tu coupé les cheveux récemment ? Vraiment, plus le temps passe et plus tu t’embellis. » Etc etc, semble affirmer la main droite qui fend l’air en moulinant. La séduction ainsi offerte sous les yeux dépités de la jeune soeur, Amos poursuit sans ambages : « Bref, comme tu le vois, le célibat ne me sied guère, je dépéris littéralement. » Le jeune homme rayonne, d’arrogance comme de confiance, la beauté de la jeunesse en étendard. « On m’a donc convié à une petite sauterie ce soir, et je ne saurais m’y rendre sans ma jeune soeur puisqu’on m’a suggéré, je cite : ramène donc une jolie fille. Evidemment donc, tu m’accompagnes puisque tu ne saurais laisser ton frère préféré en l’état. » Et ne laissant à la jeune femme ni le soin de se préparer et moins encore de répondre, Amos l’empoigne tendrement puis transplane.

La vue de la bâtisse arrache un soupir glacé à Shibahn, dont la pupille courroucée semble lui brûler la joue. Sans doute a-t-elle reconnu les lieux, mais c’est non sans balayer ce dépit d’un haussement d’épaule qu’Amos rétorque plein de flegme en s’avançant vers l’entrée : « C’est l’affaire d’un verre ou deux, et on s’en va. » ment-il de nouveau avec superbe, plongeant la main dans la sienne afin de ne guère lui laisser le choix. « A-t-on besoin de s'annoncer ? » Sourire radieux à la lippe et éclat mutin dans la pupille comme il ouvre la porte sans même y toquer. Le faciès joyeux d’Amos dépeint ses immaturités à venir comme son plein désir de profiter des festivités. Il salue les deux jeunes hommes déjà présents, et, comme il passe près d’Aelish se surprend de sa présence. Puisque la jeune femme ne saurait, lui semble-t-il apprécier ce réjouissances alcoolisées et parce que le malaise les habite. Son sourire se teinte de nuances gênées, lippes pincées et raclement discret de gorge. Préfère se tourner vers Cahir dont le regard est volubile : « Tu m’as dit de venir avec une jolie fille. » Il omet bien sûr d’annoncer l’amante qu’il convia également à la fête et qui les rejoindrait plus tard. Et déjà sa pupille accroche les bouteilles posées sur la table. Se promet d’y glisser quelques merveilles dès lors que chacun aura le dos tourné et l’attention perdue dans les émulations de la soirée.

SHIBAHN

Journée commune, ne se distinguant en aucune mesure des autres, annonçant une soirée qui brillerait surement par son calme. Elle s’apprêtait par ailleurs à détacher ses cheveux, vaguement retenus par un chignon et faire tomber sa robe d’intérieur, déjà légère, pour une nuisette, plus adaptée à la chaleur estivale. Robe d’intérieur qu’elle ne se permettrait de porter en dehors du regard familial, laissant bien trop de transparence pour être décente. Peut-être irait-elle frapper à la porte de sa cousine, lui quémandant quelques instants où elles pourraient s’adonner à des activités féminines, telles que partager potins et confidences. Certainement Aelish resterait-elle à l’eau, tandis qu’elle se faufilerait pour réduire les réserves familiales d’alcool. Réminiscences de l’adolescence où frère et sœur s’amusaient à voler les réserves à tout genre de leur paternel, à son nez et à sa barbe. Rarement attrapés, mais durement punis lorsque sa main s’abattait sur leur col leur rappelant les règles de maisonnée. Philosophiquement, l’adolescente avait fini par considérer que rébellion ou non le paternel prenait toujours à cœur de leur rappeler brutalement lesdites règles et sa préférence allait pour un fait générateur consistant en des éclats de rire fraternels que le comblement des lubies du père. Le souvenir attise un sourire sur les lippes rosées, l’adolescence ayant connu plus de beuveries que l’âge adulte. Comme pour répondre aux pensées qui agitent l’encéphale, le frère fait son entrée –s’abstenant comme à son habitude de considération pour son intimité- dans sa chambre rompant sans ménagement la quiétude des lieux. « Ah ma chère et tendre soeur, quelle surprise que de te voir ici. », le mensonge provoque un roulement des yeux vers le plafond, réaction souvent suscitée par l’ainé. Réaction qui doit certainement souvent accompagner les palabres d’Amos, lorsqu’elle n’est pas accompagnée de l’envie de lui faire rencontrer poing et dents. Sans attendre invitation il prend place sur la chaise du bureau, ne lui laissant guère le choix de sa compagnie, ni même l’occasion de répondre à son enchainement de phrases cherchant sans complexe à charmer la sœur certainement en prévention d’une requête. Requête à laquelle elle n’aurait certainement pas son mot à dire, comme c’était usuellement le cas. Alors la vipère attend, assise sur son lit face à l’ainé, les bras croisés déjà résignée sur son sort, sans même savoir en quoi il consisterait. « Bref, comme tu le vois, le célibat ne me sied guère, je dépéris littéralement. On m’a donc convié à une petite sauterie ce soir, et je ne saurais m’y rendre sans ma jeune soeur puisqu’on m’a suggéré, je cite : ramène donc une jolie fille. Evidemment donc, tu m’accompagnes puisque tu ne saurais laisser ton frère préféré en l’état. » L’évocation de la « petite sauterie » provoque un secouement négatif de sa tête, mettant à rude épreuve la tenue du chignon dont des mèches s’échappent déjà. « Non Amos, je ne suis pas … » intéressée. La fin de son refus, sans conséquence sur les agissements de l’ainé, se perd dans le tournoiement les menant dans une rue Londonienne.

La chaleur y est bien plus étouffante qu’à Cork, provoquant une grimace de la brune bien plus à l’aise dans les températures clémentes de l’Irlande. Quelques instants lui sont nécessaires afin de reconnaitre la bâtisse qui se dresse devant leurs yeux, bâtisse accueillant la demeure d’une personne à qui elle n’aurait certainement pas accordé une soirée. Hôte impliquant certainement la présence d’un autre dont même après toutes ces années, elle ne savait anticiper les réactions. Présence nettement plus appréciée, peut être même désirée, mais sujette à palabres assassines et fierté continuellement blessée. « C’est l’affaire d’un verre ou deux, et on s’en va. », tente de convaincre Amos. « Non. Je refuse d’y mettre un pied. Je ne suis pas habillée pour ta petite sauterie », tente encore une fois la résistance, mais la main du frère se saisit de la sienne n’acceptant aucune rébellion de sa cadette. « Je te déteste Amos. Réellement. Et de tout mon cœur » souffle-t-elle moue boudeuse, mensonge aux lippes. Résignée elle se laisse entrainer par le frère dans la demeure du croupton, priant pour ne pas y trouver prostituées, et fréquentations peu recommandables. Les pupilles se posent sur le maitre des lieux qu’elle salue d’un hochement de tête poli, le faciès s’éclairant d’un sourire franc en constatant la présence d’Aelish. Présence surprenante, mais qui au contraire de son ainé la réconfortait, lui assurant un soutien durant la pénible soirée à venir. « Oh Aelish je suis vraiment ravie que tu sois là » déclame t-elle, jetant une œillade assassine à l’ainé tout en offrant une étreinte chaleureuse à sa cousine. Cela t’apprendras à toujours faire tes coups fourrés.

La tête se tourne vers la dernière présence, et si le faciès ne se peint pas de surprises en apercevant le visage plaisant, mais craint à ce jour, le myocarde rate un battement. L’évocation des injonctions de Cahir à appâter jolies filles heurtent l’égo réveillant jalousie, sans que le blâme ne puisse être prononcé. Incapable de jouer l’indifférence mais peu désireuse d’étaler aux yeux de tous les différends qui creusent distanciation entre les êtres, même quand les corps se retrouvent. Alors les lippes s’étirent dans un sourire tandis qu’elle s’avance vers lui, déposant un baiser sur sa joue, toujours trop appuyé pour n’être qu’amical, incertaine quant à l’idée de l’étreindre malgré l’envie toujours présente à sa vue.

SELINA

Elle avait quelques instants imaginé refuser l’invitation. Oh, par simple esprit de contradiction, Selina ne disait jamais réellement non. Le contrat tacite entre eux, jamais hors de leurs limites, mais toujours hocher la tête, toujours accepter, peu importe si certains l’imaginaient fille de joie, elle ne se voyait que foncièrement indépendante, en contradiction des murmures irrévérencieux. A la place, elle confirme simplement ce qui est de l’ordre de l’habitude : “Je risque d’être en retard.” Le regard appuyée, Amos sait parfaitement que Selina n’est jamais à l’heure. Mais l’hôte de la soirée, non, et elle tient à se montrer respectueuse, même quand la nuit risque d’être aux antipodes de la bienséance. Tant mieux, elle ne refuse jamais un verre. Ou quatre. Rien à oublier, rien à noyer, elle se délectait de la brûlure familière et de l’esprit brumeux, état qui était si régulier qu’il en devenait confortable.


***


Evidemment qu’elle avait soigné son apparence, et au bureau, toute la journée, elle n’avait cessé de vérifier que son reflet lui renvoyait la même chose qu’au petit matin. Des dossiers qui s’accumulent, des regards au ciel quand elle observe l’incompétence de certains de ses subalternes, et la lenteur d’une journée sans saveur. Il en fallait, des moments lisses et sans intérêt, à travers les frasques du ministère. Le temps qui défile, et elle se plonge dans les affaires, tentant d’offrir une victoire supplémentaire à la coalition. C’est ainsi qu’elle vit, en sortant la tête de l’eau, qu’elle était en retard. Encore. Chassant les derniers grattes papiers, les talons frappent le sol jusqu’à la zone de transplanage, plus pressée qu’accoutumée. Le pop qui claque et l’amène à l’adresse notée par Amos, ses mains portent une bouteille qui semble contenir de l’alcool. Elle a même ajouté un petit nœud rouge autour du goulot. Si jamais ils n’étaient pas amateurs, rien de tel qu’un cadeau à soi-même, après tout.

D’une main, elle lisse sa jupe aux artifices presque translucides sur les chevilles et vérifie que son corsage est assez serré sur son chemisier de dentelle sombre. Une fois satisfaite, la jeune femme frappe trois coups et se trouve accueillie par l’amant de plusieurs nuits. “Amos.” Le sourire est complice, elle entre suite à son invitation, et lui montre le présent apporté avec elle, à la recherche de son approbation. “J’ai opté pour du whisky pur feu, de qualité, évidemment. Mais, mon plus beau cadeau, c’est que je ne suis pas trop en retard, je tiens à le souligner.” Déjà, des yeux de biche, même si elle ne touche pas de ses lippes carmin la joue du garçon, elle sait laisser des traces autrement qu’avec son maquillage, mais là n’était pas la recherche de la soirée. Elle se savait être probablement un apparat, aucunement vexée, même si elle a tendance à garder ses incartades dans le confort de son appartement. Amos est différent, un peu. “Il te faudra me présenter, j’ai tendance à n’être que peu physionomiste.” Son métier d’auror aurait dû lui permettre de retracer plus fidèlement les visages et les personnes, mais forcé de reconnaître que Selina s’était ramollie avec le temps, et que certaines compétences disparaissaient au profit de la routine d’un travail de planquée. “J’espère que je suis assez digne pour t’accompagner. C’est bien là ce que je dois faire, n’est ce pas ?” L’oeillade appuyée vers le garçon, sourire en coin , elle observe la demeure Croupton, pas le moins du monde gênée par cette intrusion en terre inconnue. Selina qui ne connaît alors personne si ce n’est l’homme qui l’a convié à la soirée, pourtant, elle ne s’en inquiète pas, tant que quelqu’un lui offrait un verre, elle saurait être un délice, bien élevée, mal cadrée, un peu cabossée, à l'instar de la soirée, en somme.

PANDORA

Drapée de soieries, la blonde sylphide tournoya gracile afin d’admirer son naturel reflet. Le frou-frou exquis émis par ce tourbillon d’étoffe lavande emplit la chambre d’une féminité assumée et séductrice. Ce présent de l’ennemi consumait chaque embrasure de sa peau, incendiait son âme d’une jubilation féroce que seule sa haine parvenait à égaler. Satisfaite de son apparence, la jeune femme s’approcha plus encore de la psyché scrutatrice. L’éclat de ses yeux d’acier où luisait l’étincelle de sa première victoire l’éblouit. Ses trophées ? Cette robe dont elle caressa les plis satinés, ainsi que l’invitation dont le parchemin gisait sur sa table de chevet. La vipère piégée entre ses griffes de louve n’obtiendrait désormais sa grâce que par des suppliques de miséricorde. La pitié. Curieux sentiment dont elle s’interdisait pourtant l’accès. Apathie dont l’aigre saveur se rappelait chaque jour à elle par l’absorption d’une potion curatrice. Cahir. Séquelle tantôt laissée à son corps, tantôt laissée à son âme. Morsure de venin aux confins du cœur, en lisière de cette poitrine oppressée d’un corsage au savant décolleté. Elle sut l’apaiser cette blessure, par les fragrances d’un parfum enivrant déposées au creux charnu de cette gorge vallonnée, de sa nuque et de ses poignets.

Seulement alors, Pandora osa clore son regard. Elle ne le réouvrit que sur l’étrangère dont les traits s’esquissaient peu à peu grâce à son don si particulier, fruit de ses racines. Sa métamorphose ancrée à son visage, elle acheva sa préparation, par des boucles nacrées qu’elle pendit à ses oreilles, un collier qui coula en une rivière autour de son cou, sans omettre cette coiffure tressée, véritable cascade d’ébène qu’elle libéra sur une de ses épaules. Modèle de perfection, la jeune Skeeter quitta enfin cette pièce louée où sa vraie identité toujours mourrait afin de mieux renaître.

Enveloppée d’une cape noire afin de se soustraire à la fraîcheur d’un soir d’été ainsi qu'aux œillades des badauds, la marche mena donc Isolt Wordsworth à l'habitation de Senán Croupton, appartement aux allures de garçonnière. Son nez retroussé en un signe de réprobation, sa main gantée frappa élégamment à la porte. Elle déclina son nom à un elfe de maison qui la convia aussitôt à entrer. Sans bruit, la belle brune se glissa à l’intérieur de l’entrée avant de s’approcher d’un immense salon où plusieurs personnes conversaient et riaient. A ce poste d’observation, elle reconnut le profil détestable de Selina Parkinson, ce qui lui arracha une moue boudeuse et un soupir contrarié. Une grimace en quelques secondes évaporée tel un cauchemar que l’on chasse. Seul le rayonnement de son sourire régnait à présent sur ses lèvres, tandis qu’elle pénétrait tel un soleil dans la pièce. La friandise de Cahir s’était portée sur les rafraîchissements alcoolisés, aussi elle le rejoignit à grands pas dans ce recoin inavouable. Le tintement subtil de ses talons épousait le sol.

- Bonsoir, sussura t-elle en lui présentant sa main à baiser, on prétend dans mon pays que l’on remercie un galant homme d’un cadeau qu’il vous offre, par le plaisir de ses yeux…

Elle ôta avec délicatesse l’habit obscur qui la recouvrait. Sa précieuse toilette s’exposa alors au regard de tous.

- J’espère être à la hauteur de cet adage, car c’est un honneur et un bonheur pour moi de porter cette merveille, conclut-elle avec une timidité ô combien feinte.

Aelish


Un silence étourdissant que seule la tuyauterie du manoir ne perturbe. La tête entièrement immergée dans l'eau savonneuse de son bain, Aelish s'échappe un instant, laissant la caresse des fines bulles marquant son souffle remonter à la surface. Sous l'eau, seules ses pensées s'agitent, car même le palpitant se tait et n'ose la déranger. Comme chaque année, le mois d'août est une épreuve insoutenable pour la Gaunt ; il est un mois de célébration de même qu'un mois de deuil. Neuf années plus tôt, Ailill venait au monde le temps d'une journée. Neuf années plus tôt, Aelish commettait un infanticide, destin inéluctable sous la menace d'un père dont l'honneur devait rester intact. Telle un fantôme, Aelish se terrait donc chaque année au manoir entre ses heures de travail. Tantôt recroquevillée dans son lit, le regard vide. Tantôt agrippée aux rebords de la baignoire, le souffle coupé jusqu'à n'en plus pouvoir.

Perdue dans ses pensées, Aelish s'enfonçait à nouveau dans une tristesse sans fond. Repensant à l'acte ignoble qui lui avait été forcé de faire, fantasmant d'un monde où Ailill aurait pu lui offrir un regard amusé du haut de ses neuf ans, le même regard espiègle qu'elle avait tant aimé chez Amos. Le temps s'écoulait lentement, et comme toujours la jeune femme atteignait sa limite, se redressant soudainement dans une grande inspiration. « Je ne vais pas encore te laisser à tes tentatives métamorphiques de te friper afin de ressembler à un elfe ou à notre aïeule Bronagh » Les prunelles d'ébène se tournent vers Cahir, dont l'eau de Cologne fraîchement parfumée attaque les narines. Apprêté, l'aîné se souciant plus de son reflet que de la tenue d'Eve de sa chère sœur, semblait sur le point de sortir. « File donc enfiler un vêtement de valeur, tu m’accompagnes » Quelques années plus tôt, Aelish aurait sans doute répondu à son frère, rechignant à toute distraction compte tenu de son humeur maussade. Toutefois, elle avait pris l'habitude de se laisser entraîner n'importe où à cette période de l'année, du moment que son esprit restait occupé à autre chose qu'à l'entraîner vers le fond.

Visage dépourvu d'expression, Aelish se releva sans fausse pudeur, se dirigeant nue comme un ver dans sa chambre, laissant derrière elle traînée de gouttes et empreintes au sol, sans s'émouvoir des plaintes sonores ni des regards lubriques donnés par les tableaux du corridor. Un sortilège suffit à sécher ses cheveux, laissés en boucles sauvages pour la soirée. Elle se saisit d'une longue robe noire, fluide, dont les décolletés avant et arrière formaient un V très plongeant. La mélancolie avait ce soir un goût affriolant. A peine une touche de mascara, et la belle était prête à rejoindre son aîné, qui déjà l'emmenait au beau milieu d'un appartement sombre et inhabité. Chance pour lui, Aelish n'était pas d'humeur à poser des questions et se laissa simplement guider - ou plutôt tracter - jusqu'à une devanture lui étant bien familière. Un léger sourire s'arracha à son visage meurtri. Senán Croupton. « C'est donc ici que tu penses me remonter le moral ? » lança-t-elle à Cahir alors qu'ils s'élevaient dans les étages. « Pas que je n'apprécie pas la compagnie de Sen, au contraire. Mais nous savons tous les deux comment se terminent ses petites sauteries. » Et si Aelish comprenait tout à fait que cela puisse remonter le moral des hommes de son entourage, il n'en était pas forcément de même pour sa personne.

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La porte massive s'ouvrit sur un Croupton apprêté, verre en main, sans doute pas le premier. Et comme à leur habitude, Cahir et Senán se laissèrent aller à quelques embrassades, se congratulant l'un l'autre de leurs multiples qualités. Aelish quant à elle se contenta d'un sourire franc, prenant bien volontiers son ami d'enfance dans les bras en guise de salut. « Bonsoir Senán, je suis heureuse de te revoir. Cela faisait bien longtemps et... je vois que tu as commencé sans nous. » Puis se tournant vers Cahir. « Tu peux d'ores et déjà boire ma part. Je resterai à l'eau ce soir, comme toujours. » Ses lippes se pincèrent dans un sourire désolé. Aelish était consciente de l'aspect rabat-joie qu'elle pouvait renvoyer, bien plus encore à cette période de l'année. Seulement, si elle était également prévenue de la teneur de la soirée, elle ne s'attendait pas à apercevoir Amos et Shibahn arriver quelques minutes après eux. « Oh Aelish je suis vraiment ravie que tu sois là » Si le sang se glaça à la vue du jeune homme, Aelish s'offra bien volontiers une étreinte avec sa cousine. « Le plaisir est partagé, tu es ravissante. » Un haussement de sourcil vint interroger silencieusement Shibahn quant à sa tenue du soir, nul doute qu'Amos avait dû user du même stratagème que Cahir pour faire venir sa jeune sœur. Le temps de préparation en moins.

Armée d'un simple verre d'eau agrémenté d'une tranche de citron, Aelish accueillit du regard les nouvelles arrivantes, toutes aussi sublimes que peu discrètes. Selina Parkinson, qu'elle reconnu de par son emploi au Ministère de la Magie; sans doute très louable, bien que très proche de son cousin. Et... une brune, inconnue au bataillon, qui ne daigna saluer que son frère, et pas même l'hôte de la soirée. La Gaunt échangea un regard désespéré avec Shibahn, lui soufflant tout bas : « Tu la connais, toi ? Cahir ne m'en a jamais parlé, ce doit être une admiratrice de plus, sans importance. » Puis décida de s'approcher doucement de la meringue lilas qui papillonnait devant son aîné. « Bonsoir ! Je ne crois pas vous avoir déjà rencontrée. Cahir, tu nous présentes ? » lança-t-elle dans un sourire bien trop large pour être sincère, attrapant au passage la main que la conquête-mystère avait tendu à son frère dans l'espoir d'obtenir un baiser, pour mieux la saluer.

AMOS

“Amos.” L’amante brille par son apparition, radieuse et pimpante, un éclat timoré charmant dans le regard. C’est ainsi volontiers qu’Amos se saisit de l’offrande - une bouteille de whisky qu’il accueille d’un sourire mutin - se penchant à l’oreille de la coquette afin d’y glisser un remerciement suave et chaleureux. Les pupilles complices se croisent, promesses d’autres échanges consensuels lorsque Selina se confie alors : “Il te faudra me présenter, j’ai tendance à n’être que peu physionomiste.” « Appelons cela une cousinade. » Le Gaunt hausse les épaules comme il s’amuse des hypothèses incestueuses et fondées que l’on prête à sa famille. La traduction tacite perle à ses lèvres malicieuses : appelons cela une orgie. Trop direct sans doute, peu subtil probablement. Conforme cependant à ses agissement usuels.

En fond sonore trop de verbiages, de courtoisie comme de complaisance. Une nouvelle arrivante salue l’assemblée d’une manière étrangement ampoulée, demoiselle qu’Amos ne connaît guère et dont l’attention semble se porter entièrement sur son cousin. Sur ces entrefaits cérémonieux un soupir trahit alors son impatience, aussitôt corroboré par ce clin d’oeil, plein de promesses vicieuses et malines qu’il dédie à Selina. Profitant de l’opportunité des bavardages, Amos se hâte d’aller poser la bouteille de whisky sur la table déjà chargée d’alcool. Et diable que ses bonnes manières, si nouvelles et promptes sont étranges… D’un coup d’oeil aux invités vaquant à leurs occupations polies Amos s’assure de la discrétion de son opération ; à chaque bouteille l’insidieux y glisse une pilule grisante. Libido, hallucinations, euphorie, désinhibition, énergie et… « Surprise. » souffle-t-il à lui-même, faisant tomber la dernière pilule dont les effets aléatoires méritent d’être testés dans l’ultime bouteille. « Que vous êtes bavards. Venez prendre un verre avant que vos gorges ne s’assèchent. » Et dores et déjà de servir quelques verres au hasard. Enfin, les festivités peuvent débuter.

CORMAC

« - Si si, tu es invité. Et tu ferai mieux de ramener une jolie fille. »

Si Cormac n’était pas en train de parler avec son grand-frère, et qu’il n’avait pas su que celui-ci était plutôt à cheval sur les principes, il aurait roulé des yeux. Son frère, et par extension le reste de sa famille, lui en voulait singulièrement d’être célibataire et de prêter qu’une très fine attention aux fiançailles qu’il pourrait contracter. De préférence avec une personne de son sang, sinon de haute naissance. Mais ce n’était pas particulièrement dans l’esprit du jeune sorcier. En ce moment, il était plutôt partagé entre son idylle qui prenait l’eau avec un Black plus trop bienvenu aux réunions de famille, et la montée au pouvoir de Grindelwald dont il n’appréciait pas les ambitions.Pas le moment de conter fleurette aux yeux du potionniste. Cependant, il avait acquiescé. Et, en allant au travail, alors qu’il sortait de l’âtre verdâtre de Sainte-Mangouste, il avait eu une idée.

C’est ainsi qu’ils étaient deux sur le seuil de l’adresse indiquée, Asteri avec lui.

« - Je sais ce que tu vas me dire, ce n’est pas forcément la plus belle des idées que j’ai eu. Mais tant que l’on ne se lance pas dans de grandes discussions, ce qui n’est pas le but de la soirée, ça devrait le faire, non ? Et puis... »

Il regarda Asteri dans les yeux, frôlant sa main, n’osant la prendre de peur que quelqu’un ne les aperçoivent.

« - Au moins, on va pouvoir boire ensemble quelque chose sans que ce ne soit suspect. »

Cognant au heurtoir, on leur ouvrit et ils pénétrèrent dans la demeure, rejoignant les autres. À peu près tout le monde était déjà arrivé. Son frère, ses cousins, ses hôtes bien sûr et leurs invitées, plutôt mignonne. Son arrivée attira des regards, mais il ne s’en préoccupa pas particulièrement. Alors qu’il ôtait sa cape, il lança un sourire à son grand-frère qui était bien accompagné, et prit la parole.

« - Bonsoir, excusez-nous du retard. Nous avons dû finir nos quarts avant de venir. J’aurai bien invité une charmante infirmière mais j'imagine que tout le monde s'en est déjà chargé, alors j’ai préféré inviter notre cousin. La soirée ne sera pas perdue. »

Marchant vers Amos, l’air de rien, il en attrapa une coupe, bien qu’il ne la porta pas de suite à ses lèvres. Se tournant vers Asteri, il formula la question sur ses lèvres, sans la prononcer. Je te sers quelque chose ?

SEN

ϟ Rien de surprenant à ce que la porte d’entrée s’ouvre sur un Cahir souriant et visiblement heureux. Sans doute la joie de se trouver dans cet appartement qu’il connait aussi bien que son propriétaire. Senán ne peut retenir un sourire ravi tandis qu’il serre d’une étreinte vigoureuse son ami de toujours.

« Tu sais pourtant bien que je ne demande qu’à te voir officialiser notre relation Cahir, tout ce que je fais, je le fais pour toi. » ouvrant les bras pour montrer l’organisation de cette petite soirée, accompagnant d’un rire franc le coup de coude de son compagnon de débauche.

Son regard se posant également sur Aelish, le blond s’empresse de la serrer dans ses bras, heureux de l’arrivée du frère et de la soeur. Remplissant son role d’hôte, il servi un verre d’alcool à Cahir, et un verre d’eau à Aelish. Il n’allait pas la laisser les observer sagement sans user de stratagèmes pour la voir participer pleinement à la sauterie, mais il préférait la laisser arriver tranquillement.
A peine avait-il eu le temps de se charger des breuvages qu’Amos et Shibahn pénétraient déjà dans sa demeure. Heureux de voir son ami franchir le pas de sa porte, le blond l’accueilli chaleureusement. Son regard se portant alors sur Shibahn, un sourire carnassier franchit ses lèvres tandis qu’il l’accueillie à son tour.

« Shibahn, je suis enchanté de te voir ce soir. » S’arrêtant un instant sur ses vêtements, Senán laissa volontairement passer sur son visage un étonnement impoli. « Tu es divine »

Les arrivées s’enchainent, et sa porte d’entrée laisse passer à tour de rôle deux divines créatures. Selina Parkinson, dans un premier temps, qu’il ne connait que peu mais qu’il accueille d’un baise-main poli, comprenant à travers son attitude qu’elle est l’invitée d’Amos. Isolt pénètre également dans les lieux précédée par Dildokey. Ce dernier, du haut de ses soixante centimètres observe toutes les arrivées d’un oeil terrorisé. Sans doute la vision de cet appartement soudainement prit d’assaut par les convives fait revenir en lui des souvenirs terribles de soirées passées.
La nouvelle venue, à peine arrivée, fond sur un Cahir en pleine conversation. Un regard amusé et appuyé vers son meilleur ami, le Croupton pouffe de rire en allumant une cigarette, écoutant la jolie brune s’extasier sur le vêtement offert par son meilleur ami. Il observe Aelish quitter Shibahn et se diriger vers cette dernière en tirant sur sa cigarette, se réjouissant déjà du potentiel destructeur de cette soirée.

« Cormac ! » Il accueille ce dernier qui vient de pénétrer dans sa demeure en compagnie d’Astres Black, qu’il accueille également d’un sourire. C’est bon, il ne ne sent plus seul face à tous ces mâles Gaunt et a d’un coup moins l’impression de participer à une cousinade qu’à sa propre soirée.

« La soirée n’est pas perdue, mais je pense pouvoir dire sans trop me tromper que du personnel soignant en renfort n’aurait pas été un surplus pour cette soirée » répondit-il aux excuses de Cormac, accompagnant ce qui pourrait s’apparenter à une blague d’un clin d’œil et d’une tape amicale derrière l’épaule.

Continuant de tirer sur sa cigarette, le Croupton déambule entre les convives, les observant converser et savourer ce début de soirée dans le calme. Bien. Rien ne sert de courir, cette petite sauterie prendra le cours choisi en temps et en heure. Il se penche vers Dildokey pour commander à son elfe quelques glaçons et les premiers amuse-bouches, et aperçoit par dessus la tête de la créature le stratagème d’Amos qui lui arrache un sourire. Il termine sa cigarette en se redressant et vient l’écraser sur le cendrier en cristal posé sur la table à côté de l’alcool, tandis que son ami appelle tous les convives à se servir un verre.

« Quiconque possédant déjà un premier verre se doit de le terminer. Aller hop hop hop. On trinque avec une nouvelle tournée ! » Attrapant lui même une boisson au hasard, Senán accompagna Amos et se chargea de mettre un nouveau verre dans la main de chacun, observant Cormac se servit lui même avec un sourire satisfait.

Il se plaça au sein du cercle qui s’était formé naturellement et se retrouva non loin d’Aelish, qui buvait tranquillement son eau citronnée. Trop tranquillement.

« Tu ne vas pas t’en sortir comme ça. » lui souffla-t’il à l’oreille, avant de lever son verre vers l’assemblée et de prendre la parole d’une voix forte. « Je vous remercie tous pour votre venue dans mon humble demeure. J’espère que cette soirée sera à la hauteur de vos attentes et que chacun d’entre vous passera un bon moment. Maintenant n’oubliez jamais : ce qu’il se passe au 5 Sloane Street reste au 5 Sloane Street. »

Il bu une gorgée de liqueur en compagnie de ses convives, comme pour sceller le destin de cette soirée. Leur jetant à tous un regard faussement bienveillant, il regarda la montre à son poignet. Un sourire en coin, il porta à nouveau son verre à ses lèvres en enfonçant une main dans sa poche. Eleonora ne tarderait sans doute plus, maintenant.

ASTERI

Toute la journée durant – depuis que Cormac lui avait annoncé cette idée stupide – il n’avait pensé qu’à cela, en boucle, attirant sur lui les foudres de ses supérieurs pour un travail parfois bâclé. À bien y réfléchir, si Sirius avait bien souvent conté ses histoires du passé au jeune garçon, sa mère elle avait été plutôt silencieuse. Désormais, Asteri pouvait placer des visages sur les noms du côté des Black. Mais, ne s’étant lui-même jamais bien intéressé à la famille d’Hester, il ne connaissait d’eux que noms découverts tardivement. Et quelque chose lui soufflait que c’était sûrement mieux ainsi, pourquoi voudraient-ils d’un cousin renié à leur petite festivité ? Pourtant, devant le regard de Cormac, le cœur vibrant malgré les tourments qui prenaient de plus en plus d’ampleur entre eux, il n’avait pas su refuser. Il ne voulait pas donner une nouvelle raison à cette rupture presque imminente, pas lui, pas encore.

Chemise aussi sombre que son nom collée sur ses épaules, tentant maladroitement de cacher son agacement, il observe cette porte qui se dresse devant lui. C’est d’une oreille distraite qu’il écoute son cousin, l’effleurement de sa main lui semble même superflu. Il se répète le même mantra, élaboré plus tôt entre deux patients mécontents, comme pour se redonner un peu de contenance. Tu ne vas pas mourir ici et, au pire, tu sais te défendre. Un peu. Il hoche de la tête pour s’en convaincre un peu plus. C’est vrai, c’était là le seul avantage qu’il voyait, lui et Cormac n’auraient pas besoin de se cacher. Pas totalement, du moins… Mais il ne peut retenir ce petit soupir subtil, tout en secouant ses boucles : « C’est tout de même une idée ridicule… »

Il suit ses pas, retire sa cape d’un même mouvement – s’efforçant d’afficher sur son visage un sourire qu’il espère pas trop faux. Il salue, poliment, alors que ses yeux viennent déjà observer les visages, la décoration – sans trop cependant s’attarder sur les détails. Cette fois, il préfère ne pas donner à sa mémoire une raison de se rappeler cette soirée. Et avant même qu’il n’aie pu répondre à Cormac, il se voit déjà attraper cette coupe qu’on lui tend. La fumée de cigarette qui plane dans les airs manque de le faire tousser, et cet empressement soudain qui se dégage renforce son malaise. Non, il ne se sent pas à sa place ici. Mais il ne manquerait plus que ça, se faire remarquer, alors il fait doucement tournoyer le liquide dans son verre avant de se dépêcher de porter le tout à ses lèvres, sans aucune retenue. Peut-être l’alcool l’aidera-t-il à se détendre, à oublier les problèmes éventuellement. Alors il offre un sourire un peu étrange à son petit-ami, avant de presque finir son verre. « N’espère tout de même pas t’en sortir ainsi, jeune homme. Sinon, à quels cousins et cousines ai-je l’honneur, ici ? », murmure-t-il à son oreille.

CAHIR

« Au moins ai-je la certitude que tu dirais oui, contrairement à d’autres. Je n’ai pas besoin de te demander de nous garder des chambres si besoin ou envie s’en fait sentir, n’est-ce pas ? », l’approbation du maître de maison semble aussi superflue que la décence en pareille propriété. Se contentant de salutations sommaires de se croiser souvent, c’est le sarcasme qui abonde aux badigoinces, lorsque les cousins considèrent la cocasserie de ramener tous deux une sœur à la soirée. « Tiens, comme c’est drôle, nous avons eu la même idée », sauf que l’intention, du moins pour sa propre part, n’y était pas. « Shibahn, je suis enchanté de te voir ce soir. Tu es divine », ironise le compère, dérision au détriment de la convoitée, trop précocement, pour l’heure ou même le lieu si cela ne tient qu’à l’égoïsme virulent, privée de pudeur. Elle s’avance finalement en tenue de boudoir ou trottoir et de fines perles brodent sa perdition sur les pans révélateurs de transparence. Ce dévoilement le dévore. Il n’y a que ses pensées cheminant subitement au ralenti qui étirent l’instant en longueur et langueur. Provisoirement désarçonné, à son approche, sa respiration l’incite exagérément à s’en emparer d’un souffle mais l’impulsion ne fait que l’effleurer à l’instar des lèvres privilégiant les pommettes respectives. Poignet encerclé retenant momentanément un recul, tout bas gronde le tourment : « Je peux savoir ce qui te prend ? De sortir vêtue, ou devrais-je plutôt dire, dévêtue ainsi ? », sa désapprobation trouble la discussion mais la vue clarifie un attrait indéfectible, chapardé brièvement par une inconnue gagnant le séjour accompagnée par Amos, puis perdu à l’entrée de la conviée. D’une voix flûtée, lui donnant envie de jouer du pipeau, la brune fait part de sa gratitude en paradant débarrassée de son par-dessus à son encontre, l’expression exquise et les sonorités satisfaites, paume présentée. Menotte qu’une autre Gaunt, plus rapide et rapace, s’accapare toutefois, demandant l’introduction des identités. « Aelish, voici la délicieuse Isolt, expatriée américaine, resplendissante dans sa robe; tu ne trouves pas ? Isolt, ma fabuleuse sœur qui fait plaisir à voir d’avoir retrouvé un aplomb certain », similaire à celui que le bon sens n’aurait préféré jamais surprendre chez Cormac : « J’aurai bien invité une charmante infirmière mais j'imagine que tout le monde s'en est déjà chargé, alors j’ai préféré inviter notre cousin. La soirée ne sera pas perdue », s’empressant de justifier retard et ratée. Après les avoir enjoint au papotage : « Faites connaissance, je reviens », le devoir familial l’éclipse. « Quel petit plaisantin », s’esclaffe l’hoir pour faire croire à l’humour tandis qu’il s’approche du benjamin, l’entourant d’un bras, courte mise à l’écart vers une complicité plus parente que fraternelle, ignorant tout bonnement l’apprenti médicomage : « Que souhaites-tu à traîner de ton temps libre avec un traître ? Te faire bannir ? Cesse donc d’utiliser cette appellation, veux-tu ? », le ton reptilien s’éternise sur sa réprobation et au sujet de l’incartade, vient d’une poigne exercée écrabouiller quelque peu l’épaule au niveau de l’acromion, « Cousin… Même les Black, sa seule vraie famille, l’ont depuis longtemps jetée aux oubliettes, lui avec, et aux dernières nouvelles notre maison n’adopte, ni ne sert de refuge aux renégats… » Sans faire plus de cas, les tendons de la main se détendent à l’appel de l’alcool vers une seconde tulipe liquoreuse, la dextre ramenant, quant à elle, une coupette d’eau glouglousse à la radieuse réjouie, à qui le faciès s’adresse l’air soudainement allègre : « Viens t’asseoir auprès de moi », l’emportant vers le divan le plus proche. L’attention repère le provocateur près de la puis-née en chemin mais ne relève pas. Seule la décoration restera à jamais sobre ici, et encore, songe-t-il simplement, les billes roulant vers quelques bibelots, un balai miniature avec lequel les comparses avaient fait voler un crapaud ayant très mal fini, quelques œuvres signées, bien vite ramenées sur la ravissante. Entre quelques volants d’une pâle violine, les lippes se posent en baiser aguichant contre sa clavicule, comme par-delà celle-ci, le regard en fait subrepticement de même sur l’ancienne promise, recouverte de son intérêt, à défaut de tissu ou de tendresse. « A l’amusement ! », s’exclame l’enthousiasme, bras et boisson brandis, communion de consommations à la suite de la roublardise du discours. D’une rasade sans la savourer, l’irritation instillée par certains des invités se fond dans l’étreinte vive et vigoureuse du cognac.

ELEONORA

senán et eleonora c’est une longue histoire, une longue relation – si on peut réellement appeler ça une relation. une histoire qui remonte à plusieurs années déjà, qui revient aux années passées à poudlard. deux gamins du même milieux, au même caractère qui finissent pas se retrouver un soir, et le reste s’en suit. la manipulatrice qui ne l’est plus vraiment avec le serpent, puisqu’il n’y en a pas besoin. des sentiments inexistants, une amitié simplement fusionnelle qui se transforme d’un commun accord pour le plaisir des deux parties.

un contrat simple et direct.

pas de promesses que certains demandent, le matin, la tête sur l’oreiller. pas de gestes romantiques comme d’autres quémandent en geignant comme de pauvre gamins qui rêvent encore d’une belle histoire digne des contes de fées. c’est un accord tacite, pas de fausses promesses. la possibilité d’aller voir ailleurs, de s’amuser avec d’autres parce que rien ne vous lie réellement. la relation parfaite, n’est-ce pas.
et quand le croupton t’as proposé une soirée en compagnie des gaunt et d’autres connaissances, tu as dit oui, sans hésitation bien évidemment. connaissant senán, la soirée s’annonce d’ores et déjà comme amusante et pleines de rebondissements, quelques heures dont tu as bien besoin.

la tenue déjà préparée, rien n’est mis sur la touche, aucun détail est à négligé ce soir. la longue robe rouge pourpre que tu viens tout juste d’acheter, au dos nu et décolleté plongeant associée aux chaussures aux talons haut. il est rare de te voir sans ce genre de chaussures. ta petite taille qui t’as toujours fait grincer des dents. quelques bijoux pour réajuster le tout, les cheveux relevés en un élégant chignon, libérant alors le dos nu. un dernier regard dans le miroir et tu hoches la tête en observant le résultat, un air confiant sur le visage. élégant et sophistiqué, signature de la bell. tu ne saurais te contenter de moins que ça.

l’heure tourne. l’horloge sonne une nouvelle fois, comme pour te presser et tu lui jettes un regard dédaigneux. tu es légèrement en retard et un sourire apparait sur les lèvres recouvertes de liquide carmin. rien de tel que de faire attendre l’hôte quelques instants. c’est bien une de tes règles. ne pas avoir l’air trop pressée, ça leur donne du pouvoir à ces hommes.

tu arrives finalement à destination, pas un cheveux de travers, pas un cheveux qui dépasse, bien entendu. la perfection à son paroxysme, que tu essais sans cesse d’atteindre sans être satisfaite. tu entends déjà des voix qui conversent, et quelques visages qui te sont familiers désormais. des traits aristocratiques, la crème de la crème des sang-purs. les verres en mains, discussions enflammées qui vont bientôt prendre place à cette allure. du coin de l’œil tu aperçois senán.

– et bien senán. voilà déjà deux minutes que je suis arrivée et je n’ai pas encore un verre en main. que tu l’interceptes la voix taquine, un air faussement offensé sur le visage. les choses ont bien changés, à ce que je vois.

PANDORA

Main dérobée au baiser de la vipère par une autre pareille, Pandora ne laissa rien transparaître de sa surprise. Les rouages mensongers, socle d’une vocation journalistique, s’agencèrent parfaitement grâce à une essence empreinte de cosmétique de l’âme. Ses lèvres s’élargirent donc en un sourire factice, admirable reflet de celui de cette Psyché inconnue aux allures de Méduse dangereuse. Confrontation et duel de masques d’hypocrisie se déroulait sans accroc au rendez-vous des Fourchelangue en un premier acte dénommé rencontre. Seul un sentiment de délivrance demeurait sincère en elle. Le toucher de l’hydre infâme n’instillerait pas son venin en sa peau nue. Pas encore.

Aux prunelles d’ébène en proie au mystère et en quête de réponses se suppléa un nouveau regard brun. Peut-être plus scrutateur ou inquisiteur. La jeune femme auquel il appartenait et dont l’habillement inconvenant et l’enchevêtrement de cheveux en un chignon disgracieux dénotaient avec le reste des convives, revint en en sa mémoire. Shibahn Gaunt. L’écho douloureux d’une enveloppe de faire-part aux bordures dorées résonna en sa poitrine douloureuse. Fiançailles. Mariage. L’un et l’autre avorté certes, mais face à elle se tenait l’incarnation même de ses nombreux tourments et de ses anciens démons. Ses doigts émirent un léger tremblement et son iris pétilla d’une audace nouvelle, tandis que Cahir esquissait d’elle une présentation flatteuse.

« Aelish, voici la délicieuse Isolt, expatriée américaine, resplendissante dans sa robe; tu ne trouves pas ? Isolt, ma fabuleuse sœur qui fait plaisir à voir d’avoir retrouvé un aplomb certain »
- Enchantée, j’éprouve le plus vif des plaisirs à être des vôtres ce soir.

Des plaisirs ? Ou plutôt déplaisir ? Pandora usa de ce jeu de mots mesquin mais ô combien ambigu qui convenait à merveille à la circonstance. Sa main toujours enserrée par celle d’Aelish et lassée de cette emprise malvenue, elle l’empoigna pour de bon mais avec subtilité et la secoua plusieurs fois en guise de salut poli.

Enfin libérée, un certain Amos invita les participants de façon très insistante à se servir des rafraîchissements. Pandora réprima une moue réprobatrice mais accepta le verre tendu par le sorcier. Au cœur du breuvage ambré paraissait s’envoler en effervescence une toute autre substance, non alcoolisée celle-là. Pandora y trempa nonchalamment les lèvres puis se dirigea vers Senan Croupton.

- Merci beaucoup pour votre invitation. Les londonniens sont vraiment des gentlemen, vous ne me connaissez pas et vous m’acceptez chez vous, je vous en suis très reconnaissante, déclara-t-elle sans flatterie aucune, répondant seulement aux lois universelles de la courtoisie.

Elle sentait peser ces innombrables paires d’yeux et reprit donc une lippée de sa boisson, tandis qu’elle admirait la vue par la fenêtre de l’appartement. Lorsqu’une pression sur sa hanche l’emporta soudain vers une causeuse, elle profita de cet instant afin de laisser choir le verre. Le visage contrit envers son hôte, elle suivit Cahir déjà enivré qui hélas lui proposa une autre coupe. Un rire cristallin s’échappa de sa gorge, qu’elle fit résonner à dessein entre les murs de la demeure, tandis qu’elle s’asseyait avec grâce sur le divan et plantait ses yeux les plus séducteurs dans ceux de sa proie. Pandora leva son verre à la cantonade et offrit de bon gré sa nuque aux bécots avilissants du traître. Puis, mutine, elle sauva une olive de la noyade de son cocktail afin d’en caresser ses lèvres sucrées. Elle se rapprocha alors du visage honni et présenta le fruit vert à l’orée de la bouche de Cahir.

- Une touche salée ?

Elle pencha la tête sur le côté et se fraya un chemin afin de susurrer à son oreille.

- L’aigre-doux a un charme exquis. Laisse-toi tenter …

La belle sylphide entoura d’un de ses bras ganté le cou du sorcier et glissa l’olive entre ses dents. Elle le laissa s’imprégner du goût puis infléchit à nouveau son buste et enhardie le gratifia d’un baiser passionné.

- J’avais peur que tu préfères cette saveur à celle de mes lèvres. Me voilà rassurée.